137e congrès, Tours, 2012 - Composition(s) urbaine(s)

jeudi 26 avril 2012 - 10:00


III. Les acteurs de la composition urbaine

Sous-thème : III. A. Ordonnateurs et techniciens

Chapitre : III. B. Les citadins, acteurs de la (re)composition sociale- 2 - salle 06

Titre : Mutations sociales et plasticité du bâti et de l’urbain. Le cas de Chérarba au sud-est de la périphérie d’Alger

Présidents :
BART François
, membre élu du conseil du Comité national français de géographie, président de la Commission de géographie des espaces tropicaux
KUCZYNSKI Liliane , anthropologue, chargée de recherche au Laboratoire d'anthropologie urbaine, CNRS, Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain IIAC-EHESS

L’ambition de cette contribution est d’analyser les processus inédits de composition/recomposition sociale de l’espace à l’initiative des ménages à Chérarba, petite ville au sud-est d’Alger dont l’urbanisation informelle date des années 1970. Ces processus qui renvoient ici aux modes d’appropriation de l’espace au sens d’Henri Lefebvre, sont envisagés selon la dialectique pratique/représentations. À partir d’enquêtes qualitatives menées en 1992, 2006 et 2009, nous soumettons au débat scientifique trois axes de réflexion fortement imbriqués.
Le premier a trait à une synchronie entre les transformations de l’habitat menées par les ménages et la gestion de leur mobilité sociale. La réalisation de « l’immeuble familial », qui est généralement évolutive, se fait souvent grâce à l’intégration en son sein d’une activité commerciale ou de service. Celle-ci permet de poursuivre la construction, de faire les extensions nécessaires et, plus tard, d’engager des travaux d’embellissement, voire de démolition/reconstruction. Ce processus, qui a connu une accélération à l’occasion des opérations de régularisation des années 1980, reflète l’ascension sociale de nombreux ménages d’origine populaire qui signifient à travers l’habitat leur position sociale acquise.
Le deuxième axe est relatif aux transactions entre les modèles d’urbanité et de citadinité des ménages et ceux dominants portés par les couches moyennes et leurs espaces résidentiels. Les formes d’appropriation des ménages donnent lieu à des « rectifications » de l’espace urbain (rues plus larges, impasses plus rares, polarités, balcons sur rue, etc.) qui progressivement banalisent l’espace résidentiel. Cette urbanité nouvelle, soulignée par les ménages, coïncide avec l’affirmation de leur citadinité.
Le troisième axe porte sur les interactions entre la plasticité du bâti et de l’urbain et les micros ségrégations socio-spatiales. Les transformations de l’habitat correspondent aux pratiques constructives des ménages qui ont pu procéder à leur ascension sociale. A contrario, les constructions, figées dans leur rusticité et leur modestie, reflètent les trajectoires sociales bloquées de leurs habitants. Ces contrastes socio-spatiaux visibles et les stigmates qu’ils supposent n’empêchent pas, pour autant, une cohabitation sociale où les sociabilités et les solidarités encore présentes semblent supplanter les carences des pouvoirs publics.

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Mme Nora SEMMOUD, Professeure de géographie et d'aménagement, Directrice de l'Équipe monde arabe et Méditerranée (ÉMAM), Cités, territoires, environnement, sociétés (CITERES, UMR 7324, université François-Rabelais / CNRS)