137e congrès, Tours, 2012 - Composition(s) urbaine(s)

mardi 24 avril 2012 - 09:00


V. Nature(s) et composition urbaine

Sous-thème : V. A. La nature et les sites des villes

Chapitre : V. A. La nature et les sites des villes - 1 - salle 09

Titre : Les nouveaux paysages controversés de la biodiversité dans le monde urbain. Le canal du Midi à Toulouse

Président : D'HONDT Jean-Loup, directeur de recherche honoraire au CNRS

Toulouse, métropole européenne et mondiale au plan de son industrie aéronautique, de son rayonnement touristique et de la concentration de centres de décisions majeurs dans le domaine politique (capitale administrative) et culturel (Occitanie), présente depuis plus de trois ans un nouveau visage du fait d’une planification originale d’une trame verte et bleue le long du canal du Midi par l’intermédiaire d’une planification écologique et d’un éco-urbanisme. Il s’agit d’un espace de nature façonné comme cadre de vie urbain aux dimensions variées dans ses formes, fonctions et représentations à travers le temps et les conséquences historiques d’une construction sociale identitaire majeure pour la cité.
Suite à un changement de majorité municipale, les acteurs politiques posèrent comme principe le fait de créer un nouveau paysage urbain pour favoriser une biodiversité en ville. Les acteurs municipaux donnent la parole aux experts et développent la thématique de la biodiversité comme source de bien-être en rendant à cet axe majeur sa fonction de corridor écologique. La mairie propose un projet ambitieux : « si les espèces pouvaient emprunter ce passage, les échanges seraient rétablis entre le centre-ville et l’est de Toulouse, mais aussi entre le nord et le sud de la commune » (2009). Elle indique même par une expression ambiguë sa vision, son souhait et sa capacité à « modeler, créer un paysage » par l’insertion de la problématique de la biodiversité en ville et application de la gestion différenciée sur les berges du Canal du Midi : « L’idée est donc de restaurer un paysage champêtre au cœur de la ville » (2009).
Cette nouvelle nature devient une nouvelle armature et composante d’un nouveau plan régulateur de la Mairie de Toulouse confié à Joan Busquest (Agence d’urbanisme de Barcelone) contribuant à la redéfinition des frontières de la ville par rapport à cette nature façonnée. Un décryptage s’impose concernant les relations complexes entre service de la mairie comme les SEV, les politiciens incultes dans ce domaine, des experts-universitaires, des citoyens-associations et des touristes/promeneurs quotidiens/voisinage du Canal. Le changement est repérable (quantifiable et qualifiable) : herbes hautes et d’importants tas de feuilles s’accumulent le long des chemins de halage pour faciliter les échanges biologiques, apparitions de nouvelles espèces animales et végétales et polémique dans la presse. Or, cette action comporte des risques notamment dans le ressenti des habitués du Canal ne comprenant pas les changements paysagers et non entretien des voies sur berges suite à une campagne d’information ratée. Des interrogations se font jour comme la mise sous surveillance de l’Unesco concernant l’avenir du Canal au plan esthétique (polémique autour de la notion de paysage culturel de l’Unesco et de l’épidémie de chancre coloré).
Pour connaître les nouvelles représentations des habitués de cet espace public remarquable, nous optons pour des interviews directifs et semi-directifs auprès de 124 personnes sur plus de deux ans à partir de planches photographiques, souvenirs, pratiques et souhaits. Les résultats obtenus sont couplés aux propos des urbanistes, de l’analyse des plans environnementaux et d’un retour sur archives.
On démontre qu’une nouvelle forme d’urbanité est en marche par une naturalité fondant son principe d’action et de concertation sur le partage par tous les citoyens de nouveaux espaces publics de la biodiversité dans la redéfinition des échelles d’interventions de l’aménagement urbain sur le principe de meilleure lisibilité, meilleure viabilité, meilleure vie dans une gestion parfois hasardeuse entre le minéral, le végétal, l’opinion publique et plan de communication. Favoriser la biodiversité n’est pas une source de consensus mais plutôt de critiques et de divisions au sein même de la population, des résidents tout proches du Canal et entre genre (homme et femme). Le sauvage et le régulier s’affrontent car le Canal dispose d’une identité visuelle très forte et contraignante pour l’application d'une charte écologique.

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M. Patrice BALLESTER, Docteur en géographie, aménagement, urbanisme Enseignant-chercheur associé au laboratoire Géographie de l'environnement (GÉODE, UMR 5602, CNRS)

Membre de la société savante :
Société de géographie, Membre