136e congrès, Perpignan, 2011 - Faire la guerre, faire la paix

jeudi 5 mai 2011 - 09:00


II. La paix et la guerre comme processus

Sous-thème : II.C. Construire la paix

Chapitre : 1. Le rôle de la diplomatie

Titre : Les artisans de paix : les ambassadeurs du roi de France à Madrid de 1559 à la mort d'Henri III (1589)

Présidents :
LE CLECH-CHARTON Sylvie
, conservateur général du patrimoine, directrice scientifique des Archives nationales, Fontainebleau
BARBICHE Bernard , professeur émérite de l’École nationale des Chartes

L'année 1559 est un tournant majeur dans l'histoire des relations internationales au XVIe siècle. Le traité du Cateau-Cambrésis, signé le 3 avril, qui sanctionne la fin des ambitions françaises en Italie représente un renversement d'alliances. Conclu après treize semaines de négociations laborieuses, concernant aussi bien les États de Savoie, l'Italie, que la frontière du nord de la France, l'accord met fin « à une période de soixante-cinq ans qui n'a pas compté moins de quarante-cinq années de guerre » (André Corvisier). Épuisées par des décennies de conflits, les couronnes de France et d'Espagne désirent désormais s'unir dans un projet commun : lutter contre la progression de l'hérésie protestante. La paix restaurée entre les deux grands royaumes rivaux fait apparaître la France comme la pièce centrale de l'équilibre religieux européen. La croissance du protestantisme en son sein a de quoi inquiéter l'Espagne. Si le royaume de France bascule dans le camp réformé, qu'adviendra-t-il des possessions du roi catholique, en particulier de ses domaines des Flandres, parmi lesquels émergent certains troubles ? Pour que cette nouvelle entente prenne un caractère durable, les deux souverains décident d'unir leurs deux dynasties par une alliance matrimoniale, un grand mariage qui doit renforcer les liens entre les deux royaumes. Ainsi, Élisabeth de Valois, fille d'Henri II et de Catherine de Médicis, épouse-t-elle le roi d'Espagne, Philippe II. De plus, pour assurer la stabilité de la paix, les deux monarques procèdent à un échange d'ambassadeurs. Thomas Perrenot de Chantonnay est donc choisi pour représenter le roi d'Espagne à Paris, tandis que Sébastien de L'Aubespine, évêque de Limoges, est nommé par Henri II ambassadeur auprès de Philippe II. Cette diplomatie, pratique nouvelle entre les deux royaumes, qui allait faire de la représentation à l'étranger un métier à part entière symbolisait l'exact opposé de la guerre et de l'agression. La figure de l'ambassadeur se transformait en un Mercure, protecteur du Bien commun, image de l'ange, défenseur de la paix tel que l'a suggéré Daniel Ménager. En effet, dans ce temps de diplomatie aimable à la suite de la signature du traité, l'objectif principal était d'instaurer durablement des relations courtoises et sincères qui permettraient d'oublier les décennies de guerres et de rivalités. Ce défi de taille allait concerner tous les représentants du roi de France qui se succédèrent en Espagne jusqu'à la mort d'Henri III en 1589. Cinq d'entre eux eurent pour tâche de maintenir coûte que coûte des relations pacifiques entre les deux royaumes. L'étude de ces trente années de représentations diplomatiques, menée à partir du vaste corpus constitué par les correspondances des ambassadeurs, pour l'essentiel conservées à la Bibliothèque nationale dans la section des manuscrits français, est très intéressante dans la mesure où elles marquent une accalmie dans les relations entre les deux royaumes. Apaisement tout relatif, tant les tensions sont importantes entre les deux pays rivaux. À plusieurs reprises menace la guerre ouverte. De multiples conflits « indirects » empoisonnent les relations diplomatiques et rendent la tâche des ambassadeurs bien souvent délicate au cours de cette période.

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M. Jean-Michel RIBERA, Docteur en histoire, Professeur d'histoire-géographie