143e congrès, Paris, 2018 - La transmission des savoirs

mardi 24 avril 2018 - 14:00


II.a. Les acteurs de la transmission des savoirs- 3
Titre : Joseph Maritan, instituteur public et inspecteur primaire : de la Monarchie de Juillet aux débuts de la IIIe République

Présidents :
BOURILLON Florence
, professeur d’histoire contemporaine à l'UPEC (université Paris-Est - Cultures et sociétés), co-responsable du CRHEC (Centre de recherche en histoire européenne comparée), secrétaire de rédaction de la revue Histoire urbaine
NÈGRE Valérie , professeur d'histoire des techniques à l'université Paris 1 Pantheon-Sorbonne

Joseph Maritan (1820-1891), héritier de l'ancienne tradition du maitre d'école briançonnais, titulaire du brevet de capacité en 1839, puis nommé instituteur public en 1841, professeur de classes primaires supérieures, inspecteur des écoles primaires jusqu'à sa retraite en 1879, est l'auteur de trois ouvrages imprimés destinés aux élèves de l'école primaire : manuel de lecture, recueil de lectures choisies, poème en alexandrins d'histoire et de géographie de la France, d'un ouvrage de conseils pédagogiques destiné aux maîtres de sa circonscription dans l'Aveyron, et de deux ouvrages destinés aux jeunes adultes qui seraient désireux de se perfectionner et de s'élever dans la hiérarchie sociale, l'un sur les proverbes et expressions figées de la langue française, l'autre sur les études à suivre ou concours à passer pour accéder à des fonctions ayant quelque prestige dans les années 1850-1860 (instituteur, inspecteur primaire, géomètre, fonctionnaire, arpenteur, employé, conducteur de travaux aux Ponts et Chaussées). Chez lui, les modes de transmission du savoir sont tantôt empreints de pragmatisme, tantôt archaïques. Pour ce qui est de l'apprentissage de la lecture, il juge qu'il est inutile d'apprendre aux élèves à réciter les lettres de l'alphabet (épellation) et qu'il est important d'apprendre à lire d'abord les syllabes simples, puis des syllabes complexes, et de passer de la lecture syllabique à la lecture continue et fluide. Quant à l'enseignement qu'il propose de l'histoire et de la géographie de la France, il est centré sur la mémorisation, qui est facilitée par la mise en vers de quinze siècles d'histoire, moyen mnémotechnique apte à favoriser l'apprentissage par coeur et la récitation. Les connaissances dispensées et les conseils prodigués sont étroitement liés aux valeurs morales de son temps, telles que la (bonne) réputation, la piété (il est membre du conseil de fabrique), l'honneur du nom, la progression sociale, le savoir assis sur la foi (catéchisme, histoire sainte). Comme Maritan a laissé de très nombreux manuscrits (dictionnaires biographiques de grands hommes, une Histoire sainte en vers), dont certains personnels (Mes Souvenirs et le livre des Maritan), il est possible de lier la conception qu'il se fait du savoir et sa propre vision du monde. Pour reprendre l'opposition que Péguy dresse entre l'ancienne France et la modernité, Maritan n'est pas moderne. En 1881 et 1882, alors qu'il jouit de sa retraite, le recteur de l'académie de Grenoble lui propose de reprendre du service, tout en cumulant pension et traitement. Il ne donne pas suite à la proposition. Son monde s'efface peu à peu. La lignée Maritan s'éteint : le couple a eu dix enfants, dont trois sont arrivés à l'âge adulte, mais aucun ne se marie, ni n'a d'enfants. Ce qu'il s'est efforcé de constituer, à savoir une lignée patriarcale et un domaine à transmettre, s'effondre, en même temps que les livres qu'il a fait rééditer dans les années 1870-80 ne trouvent plus d'acheteur.

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M. Jean-Gérard LAPACHERIE, Professeur émérite de langue française

Membre des sociétés savantes :
Quey'racines - Mémoire et savoir, patrimoine écrit et oral, Directeur de publication
Société d'études des Hautes-Alpes, Membre