09/01/2010 - Compte rendu


Extraits : "Avec ce petit livre, nous ouvrons une très vaste fenêtre de la géographie. Celle d’un Italien parmi les plus doués de sa génération. Franco Farinelli est un géographe « critique » qui veut rompre avec ce qu’il appelle la raison cartographique qui s’est substituée à la pensée de l’espace. Car, pour lui, nos problèmes d’espace ont été traduits par des cartes. Des cartes qui ont modelé profondément la pensée occidentale". (...) Farinelli propose une belle promenade érudite chez les grands penseurs de l’espace en Occident. Avec L’Odyssée d’Homère, il fait émerger dans le récit du combat entre le cyclope et Polyphème une « mesure linéaire standard », la ligne d’horizon. Cette séparation d’entre le Ciel et la Terre, les hommes vont la mesurer et elle fera naître l’espace, le concept d’espace, l’espace mesurable. Ulysse, dans sa fuite, ne va-t-il pas compter les coups de rame pour mesurer la distance nécessaire pour s’échapper ? (...) C’est dans une très belle écriture que Franco Farinelli emmène le lecteur, bousculant ses certitudes en de belles formules ciselées appelées à devenir des classiques de la pensée géographique. Sur la ville, l’Etat, les distances, etc., Farinelli nous prend constamment à rebrousse-poil. Ainsi, de la modernité, il en voit la traduction dans l’Etat territorial, dont la route, « fruit mûr de l’époque baroque » est le modèle du chemin de fer et de l’autoroute (Autobahn, littéralement « chemin de fer pour automobile »), allant jusqu’à penser que la voie ferrée coïncide avec la maturité de l’Etat et l’autoroute avec l’amorce de son déclin. À l’issue de la lecture de ces trois marches de la pensée farinellienne (la pyramide et le triangle, le paysage et l’icône, et enfin, la ville, la carte, l’espace), on a le sentiment très agréable d’avoir été immergé dans la matrice de la géographie. Une matrice qui ne cesse de reconfigurer notre rapport au monde. Avec son immense culture, Franco Farinelli déjoue les pièges de notre esprit avec malice et talent : « Personne ne nous avait jamais expliqué que les bâtons, ces petits segments, rectilignes très artificiels par lesquels nous avons été initiés au mystère de l’écriture étaient des lances de guerrier ». Lecteur, c’est aussi une lance de guerrier que tu tiens entre les mains".