141e congrès, Rouen, 2016 - L'animal et l'homme

lundi 11 avril 2016 - 14:30


Colloque 3. L’animal et l’homme, nouveaux statuts, nouveaux paradigmes, nouvelles contraintes

Sous-thème : 3.1. Frontières ontologiques et statut de l'animal

Titre : Le caméléon, un inchassable-intouchable devenu NAC (Nouvel animal de compagnie)

Présidents :
DALLA BERNARDINA Sergio
, professeur d'ethnologie à l'université de Bretagne occidentale, Brest
CHEVALIER Sophie , professeur en anthropologie à l'université de Picardie Jules-Verne, chercheur à « Habiter le monde », associé au LAU-IIAC-EHESS (Laboratoire d'anthropologie urbaine - Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain - École des hautes études en sciences sociales), co-directrice de la revue électronique Ethnographiques.org

En pays lobi burkinabè, les enfants ne sont guère tendres envers les tortues d’eau, les margouillats, rats voleurs et araignées dodues... Tout ce qui peut être chassé puis mangé ne tarde pas à l’être. Les petits organisent entre eux un brasier et, assis en tailleur autour de ce qui devient un joli feu d’allégresse, ils font rôtir leurs proies minuscules qu’ils dégustent d’un appétit géant. Comment imaginer que non seulement les caméléons n’entrent pas dans leur registre du comestible mais qu’en outre, ils ne peuvent être touchés ? Lorsque ces enfants voient un caméléon, ils le laissent aller et venir, en prenant garde à ne pas perturber ses lentes pérégrinations. Ils n’ont pas peur des caméléons mais entretiennent avec eux une prudente relation d’évitement. Serait-ce parce que nombre d’entre eux portent autour du cou des caméléons en cuivre en guise d’amulette protectrice ? Qu’est-ce qu’un caméléon ? En pays lobi, c’est d’abord un lézard qui va et vient de mythes en contes dans la littérature orale. Il se montre tout en sachant faire preuve de retenue, à l’inverse de l’araignée. Aucune vaine arrogance n’accompagne le fait qu’il détient la science du travestissement et qu’il voit « même derrière ». On dit que les devins usent de leurs œufs pour exercer leur art, ce sont eux qui - déposés avec précaution dans l’eau de leurs canaris de voyance - leur permettraient de retrouver le passé et de déceler l’avenir. Les caméléons sont de ce monde tout en donnant accès à un univers radicalement autre. Cet inchassable-intouchable peut-il, pour satisfaire un nouveau goût mondialisé du merveilleux, se métamorphoser en « nouvel animal de compagnie »  ?

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Mme Michèle CROS, Ethnologue, Professeur à l'université Lumière - Lyon II

Membre de la société savante :
Société des Africanistes, Membre