mercredi 13 avril 2016 - 14:30

Table ronde des sociétés savantes - Archives départementales de la Seine-Maritime - Pôle Grammont
Titre : La Société de l’Histoire de Normandie, un siècle et demi de publications

Présidents :
BLARY François, professeur d’histoire de l’art et d’archéologie du Moyen Âge à l’université libre de Bruxelles, membre du CReA-Patrimoine (Centre de recherche en archéologie et patrimoine) de la Faculté de philosophie et de lettres et de l'équipe TrAme (Textes, représentations, archéologie, autorité et mémoire de l'Antiquité à la Renaissance), EA 4284 de l'université de Picardie Jules-Verne
BIARD Michel , professeur d'histoire du monde moderne et de la Révolution française à l'université de Rouen, directeur du GRHis (Groupe de recherche en histoire), EA 3831

C’est en 1869 que fut fondée la Société de l’Histoire de Normandie. Par son intitulé, celle-ci se situait clairement dans le sillage de la Société de l’Histoire de France créée par Guizot en 1834, avec le même but statutaire : publier des documents inédits avec l’appareil critique mis au point par l’ École des chartes, mais évidemment ici dans le cadre des cinq départements de l’ancienne province. Par là, la nouvelle société, vouée à l’édition de textes, se distinguait des créations d’Arcisse de Caumont, davantage tournées vers une défense et illustration du patrimoine notamment monumental. Elle trouva d’emblée écho et soutien dans la noblesse locale qui allait lui ouvrir ses chartriers et participer parfois elle-même à ses publications. Tel fut en particulier le cas de Charles de Robillard de Beaurepaire, archiviste départemental de la Seine-Inférieure durant un demi-siècle, auteur de maintes études érudites et, plus précisément, de plusieurs des premiers ouvrages édités par la société : la Chronique de Pierre Cochon, l’Histoire générale de l’Abbaye du Mont-Saint-Michel et les huit volumes des Cahiers des États de Normandie. À côté de lui, citons parmi bien d’autres Léopold Delisle, les abbés Loth et Tougard, plus tard l’archiviste Paul Le Cacheux et enfin Henri de Frondeville dont les Présidents puis Conseillers du Parlement de Normandie ne seront achevés qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
C’est alors que la société entre dans une période critique, la même au fond que pour ces « Aristocrates » dont le romancier Michel de Saint-Pierre décrivait alors le déclin. Perdant progressivement ce public riche naguère de moyens et de loisirs, qu’enchantait une histoire provinciale statutairement antérieure à 1789, la Société de l’Histoire de Normandie aurait pu disparaître, comme d’autres du même genre en France. Elle allait pourtant connaître un regain de vie, grâce à de tout autres soutiens, issus du monde des archives – elle a toujours son siège aux Archives de la Seine-Maritime - ou de l’Université, et grâce à une profonde rénovation, à la fois dans les thèmes, les périodes abordées (désormais aussi le XIX^e et même le XX^e siècle) et dans une présentation résolument modernisée avec une large iconographie, sans pour autant que soient reniées les règles d’une édition savante.
Ce ne sont pas moins de 19 titres nouveaux qui, depuis 1976, sont venus s’ajouter à une collection qui en totalisera bientôt 80, tous consacrés à un aspect ou à un personnage de l’histoire normande. Sont étudiés ainsi Deux bourgeois en leur temps, à travers les souvenirs d’un notable rouennais témoin de trois révolutions et la correspondance d’un médecin érudit du XIX^e siècle ; la condition des tisserands, avec L’affaire Noiret, dossier rassemblant le premier livre écrit en France par un ouvrier et les réactions suscitées chez les contemporains ; le clergé et la pratique religieuse grâce aux procès-verbaux de visites pastorales des archevêques de Rouen du XVII^e au XIX^e siècles (Hier, une chrétienté ? ); La vie de la forêt normande à la fin du Moyen Age à travers le Coutumier des forêts. Les souvenirs d’un prêtre, le Journal d’un rentier et la correspondance d’un noble émigré raconteront les difficultés à Vivre en Normandie sous la Révolution ; la correspondance entre le grand médecin Charles Nicolle et le romancier Georges Duhamel révèlera des Propos d’humanistes. Dans un genre plus collectif, un ensemble de documents commentés par des spécialistes permettra une évocation de La Normandie vers l’an mil, une fresque par les textes de La Cathédrale de Rouen, seize siècles d’histoire, ou de L’Abbaye de Saint-Ouen des origines à nos jours, des récits de marins ou de voyageurs – 1492-1992 : des Normands découvrent l’Amérique - ou un aperçu vivant sur Lycées et lycéens normands au XIX^e siècle. L’édition classique n’est pas oubliée, avec Le Havre, 1778-1790, présentation commentée par Ph. Manneville du Journal de Marie Le Masson-Le Golft, avec Le terrier de la famille d’Orbec, publié dans les meilleures règles par D. Angers, de l’université de Montréal, ou avec les Documents normands du règne de Charles V, patiemment rassemblés par M. Nortier. Plus récemment, on citera les Actes d’un colloque organisé par la Société, Au seuil de la Renaissance, le Cardinal Georges d’Amboise ; Les confréries de la ville de Rouen, XVI^e-XVIII^e siècles, fruit d’une ample enquête dirigée par M. Venard, ou encore Rouen et Jeanne d’Arc, un siècle d’hommages, étude des célébrations johanniques à Rouen. La plupart de ces livres restent disponibles.
C’est enfin notre Société qui, en 2014, a accueilli à Rouen le congrès annuel de la Fédération des sociétés historiques et archéologiques de Normandie (FSHAN) sur le thème « Les Normands et la guerre ». Un bilan non négligeable, par conséquent. Mais la suppression totale des subventions, pourtant modestes, qui l’aidaient à poursuivre son but statutaire la laissera-t-elle longtemps en mesure de continuer ? La question se pose aujourd’hui, et pas seulement à elle.

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M. Jean-Pierre CHALINE, Professeur émérite des universités en histoire contemporaine

Membre des sociétés savantes :
>  Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, Membre
>  Association d'études normandes, Rédacteur en chef
>  Société de l'histoire de Normandie, Président
>  Société des amis des monuments rouennais, Président