14/06/2011 - Compte rendu


Compte rendu en ligne de l'IAC (Institut d'Anthropologie Clinique) du 26 avril 2011 "En ces temps de tensions autour de la laïcité et de montée de la xénophobie sur fond de surenchère électorale, la lecture de l’ouvrage de Slimane Touhami, La part de l’œil : une ethnologie du Maghreb de France, paru l’an passé chez CTHS, nous reconnecte avec cette part d’identité chaleureuse qui habite notre imaginaire collectif. Anthropologue et chercheur associé au centre d’anthropologie sociale de Toulouse, Slimane Touhami a mené une ethnographie de ce qu’il nomme le Maghreb de France. En effet, la « question » de l’immigration maghrébine ne s’envisage plus comme relevant d’un Maghreb en France, mais désormais, n’en déplaise à certains, comme du Maghreb de France. Avec près de deux millions de personnes originaires du Maghreb, la France est le pays où la présence musulmane est la plus élevée d’Europe. Pour autant, à la différence d’autres disciplines des sciences sociales et humaines, peu de travaux en ethnologie sont consacrés aux migrations. L’auteur revisite la question des croyances magico-religieuses à partir d’une situation où les pratiques doivent s’ancrer dans le déracinement. Il montre que ces pratiques sont aussi des gestes identitaires en situation d’exil. Son travail, en distinguant comment cette question de croyances et de pratiques s’appréhende de manière différente selon que l’on est un homme ou une femme, met en évidence le rôle des mères dans la transmission. Aujourd’hui nos sociétés « désenchantées » s’étonnent devant tant de superstition. En mettant en perspective de nombreux exemples de sociétés paysannes, anciennes ou lointaines, l’auteur montre comment ces croyances relèvent d’une attitude anthropologique fondamentale face à la mauvaise et à la bonne fortune. Cet ouvrage met aussi en évidence les rapports complexes qu’entretiennent ces pratiques avec l’Islam. Car si l’Islam connaît ce qui fonde ces pratiques visant à prévenir ou soigner l’'aïn (le mauvais œil), le « regard néfaste » hante l’humanité depuis la plus haute antiquité, bien avant le prophète. D’ailleurs pour les musulmans qui revendiquent une certaine « rigueur orthodoxe », ces pratiques représentent une forme de « déviance ». On le voit, ce livre bien documenté et structuré à partir d’un travail de terrain, fournit une mine d’information et une réflexion ethnologique à ceux qui souhaitent comprendre de l’intérieur une culture plurielle, mobile, dynamique, loin des clichés créés et véhiculés par la société du spectacle."